Rencontre avec Maxjenny Forslund

MAXJENNY FORSLUND

Le mari de ma mère avait constitué une grande cave avec des vins tels que Petrus, Château d'Yquem, Sassicaia, Mouton Rothschild... Ce sont donc les vins avec lesquels j'ai grandi ! C'était un grand connaisseur et j'ai beaucoup appris à ses côtés. Non pas que je les buvais – j'étais seulement  une jeune adolescente– mais j'avais l'occasion de sentir les vins, et je trouvais déjà cela passionnant. C’était surtout la manière dont il me les décrivait, en disant qu'ils sentaient le derrière d'un cheval ou le sous-bois (rires) !  Pour être honnête, ce ne sont pas les vins que je bois aujourd'hui. Me servir un Mouton Rothschild bien vieilli, ce serait comme donner de la confiture à des cochons !

MAXJENNY FORSLUND

Je suis plutôt attirée par les blancs, le Grauburgunder (les Pinots Gris allemands, ndlr) et le Crémant, des vins légèrement provocateurs, si l'on peut dire ça... À Copenhague, nous buvons plus de Crémant qu'en Suède. Il faut dire que c'est beaucoup plus libre au Danemark, et j'apprécie cette grande variété de styles de vin disponibles (la Suède a un monopole public sur l'alcool, ndlr). Je préfère donc les vins élégants et axés sur la minéralité  ou les chardonnays corsés, qui font frissonner la mâchoire et qui offrent beaucoup de complexité. Bref, je bois simplement ce qui est amusant et agréable ! Par exemple, récemment, j'ai dégusté un excellent vin de Roumanie.

MAXJENNY FORSLUND

Copenhague compte de nombreux bons bars et caves à vin. Un de mes favoris est Rosforth & Rosforth sous le pont Knippelsbro. Jadis, on y ressortait un peu pompette... Je traîne beaucoup dans le quartier de Vesterbro, à l’Est du centre-ville, où se trouve le bar à vin Enghave Plads 9, c'est très décontracté comme ambiance. Je partage mon temps entre Stockholm et Copenhague, et je dois dire qu'à Stockholm, le vin naturel est devenu si branché que s’en est devenu snob ! Copenhague est beaucoup plus ouvert et détendu sur le vin. Bien sûr, j'aime bien le vin naturel, tant qu'il n'est pas trop déstabilisant.

MAXJENNY FORSLUND

J'étais encore à l'école de design et j'avais créé une collection qui a été publiée dans le magazine Femina. Puis, ça s’est propagé avec le bouche-à-oreille jusqu’à Madonna qui a remarqués certaines pièces et les a portées dans le clip "Sorry" !

MAXJENNY FORSLUND

Absolument. Il s'agit d'avoir de l’imagination pour transformer ce que l’on a. J'ai des tissus blancs, ils ont des raisins. L'élaboration du vin est un processus qui doit aboutir à quelque chose d'harmonieux dans le verre. Les vignerons travaillent avec le sol, le fruit, et surtout le temps. Moi, j'utilise le temps, les tissus, la forme et la couleur. Mes vêtements doivent s'ajuster à un corps, les vins doivent s'ajuster à un palais.

MAXJENNY FORSLUND

Je ne travaille pas dans la “fast fashion” avec mes collections. Mes vêtements évoluent lentement dans le temps, je suis réactive, m'adaptant à la clientèle et même à la météo.

MAXJENNY FORSLUND

Les vins “funky”, aussi étranges que possible, sont devenus à la mode. Pour moi, c'est comme un couturier qui ne sait pas ce qu'il fait ; quelqu'un qui pense que toutes les femmes font 1,80 m et portent du 36. Ce n'est pas la réalité. C'est dommage que cette fantaisie ait pénétré le monde du vin naturel, car certains vins élaborés de cette façon peuvent être vraiment excellents. Mon expérience est que les vins naturels étaient autrefois plus stables, mais aujourd’hui personne ne conteste les travers. Je le reconnais également dans mon domaine – si un designer célèbre crée quelque chose qui n'est pas bon, personne n'ose rien dire. C'est un peu comme l'histoire “Les Habits neufs de l’empereur” !

MAXJENNY FORSLUND

Pour moi, je pense que l'engouement pour les vins à 700 € la bouteille s'est estompé. J'aime toujours ce qui est traditionnel, mais davantage les vins plus excentriques, qui viennent de petits vignobles rares. Comme les vins de Lanzarote ou de Sicile – avec les frères Viola, par exemple. Il y a tellement de conventions dans le monde du vin, donc je suis attirée par ceux qui essaient de s’en affranchir et de percer – peut-être parce que je suis un peu comme ça moi-même !

MAXJENNY FORSLUND

Quand je voyage en dehors du travail, je ne veux pas perdre mon temps, je veux aller là où il y a de la bonne nourriture et du bon vin. Et j'aime être surprise, donc je dirais Istanbul. Cela a une touche à cent pour cent parisienne, mais c'est plus agréable, plus créatif... Et abordable ! Les vins turcs sont en fait très bons, même si je ne suis pas vraiment fan de la cuisine turque, j'apprécie le raffinement de la cuisine ottomane. Un de mes endroits préférés à Istanbul est le restaurant Nicole.

MAXJENNY FORSLUND

Aux “Supertuscans” ! J'ai lu à leur sujet, en ai beaucoup bu, et je me sens proche de ces vignerons de Toscane. Ils ont osé rompre avec les traditions, les conventions et les systèmes d'appellation pour incorporer de nouveaux cépages internationaux. Ils étaient ouverts, innovants et modernes. Au début, ils n'étaient pas bien vus, mais il n’était pas question d’abandonner, et aujourd'hui, leurs vins sont acceptés dans l'appellation de Bolgheri. C’est un peu comme moi, au début, personne ne me connaissait à Stockholm, ce qui m'a donné l’avantage de la liberté, d'oser innover, car j'ai d'abord été formée en tant que designer de meubles. À la maison, nous parlons beaucoup de vin, et nous revenons souvent à André Ostertag. Il était un peu un “outsider” (il a introduit les fûts de chêne pour l'élevage de Pinot blanc en Alsace, une innovation qui a été accueillie avec divers niveaux de résistance, ndlr). Nous sommes tous des rebelles dans nos domaines. Pour le meilleur ou pour le pire, il faut oser.