Rencontre avec Queena Wong

QUEENA WONG

Franchement, non ! Nous ne sortions pas souvent manger au restaurant, et quand nous le faisions... ma mère buvait du jus d'orange !

QUEENA WONG

Ce n'était pas un vin, c'était une rencontre. J'étais à Londres depuis quelques années et je déjeunais au Capital Hotel, un restaurant étoilé derrière Harrod's. Lorsque le sommelier, Matt Wilkin MS, en “costume de pingouin”, a servi mon verre de Champagne, j’ai remarqué son bras gauche dissimulé derrière son dos, j'ai ri et dit "Je peux toujours voir votre bras !". Il avait un bras dans le plâtre et je pensais qu'il essayait de le cacher  – sans réaliser que ce geste faisait juste partie du service traditionnel du vin. Il a ri à son tour et ce déjeuner incroyable a marqué le début de notre amitié. Par la suite, il m'a initiée à la dégustation et c'est la raison pour laquelle j'ai développé une telle affinité avec ce milieu, en liant toujours la sommellerie avec l'hospitalité.

QUEENA WONG

Pour collectionner le vin, le faire vieillir et identifier le moment idéal pour le déguster, il faut effectivement être d’abord amateur de vin. A contrario, si vous êtes un investisseur, il est totalement possible de ne pas s'intéresser du tout au vin et de le considérer uniquement comme un actif. Ce n'est pas mon approche pour autant. J'aime profiter de tout ce que le monde du vin m'offre, et cela va bien au-delà de la boisson. C'est aussi rencontrer des personnes passionnantes qui gravitent dans ce milieu.

QUEENA WONG

Ici, au Royaume-Uni, les femmes ne sont pas suffisamment nombreuses et représentées en ce qui concerne l'achat, la collection et le vieillissement du vin, bien que beaucoup de femmes œuvrent dans ce secteur ! C’est pourquoi, il y a quatre ans, j’ai décidé de créer le réseau Curious Vines pour faciliter les connexions entre les femmes de l'industrie du vin et offrir l’accès à du mentorat et à des ateliers. En plus de nos 1100 membres, principalement au Royaume-Uni, nous soutenons également les étudiantes du Master of Wine, du diplôme WSET, de la Court of Master Sommelier et du Master Sommelier. Pour mettre l’accent sur les professionnelles, en octobre 2023, nous avons publié les résultats de la première enquête sur les femmes dans le vin au Royaume-Uni, que j'utilise comme catalyseur pour pousser au changement et aborder les problématiques mises en lumière par cette enquête.

QUEENA WONG

L'industrie du vin est assez dominée par les hommes, ce qui fait partie de son héritage historique. Nous avons constaté que de nombreuses femmes ont connu le sexisme et les préjugés de genre. Même si cela n'est pas propre à notre secteur, il présente des facteurs uniques, que j'appellerais la “trinité profane” : l'alcool, de nombreux déplacements, et la présence d'un différentiel de pouvoir. Il était également frappant de constater que près de la moitié des femmes ayant répondu à l'enquête ont déclaré avoir déjà envisagé de quitter le monde du vin au cours des cinq dernières années. Et nous savons tous que retenir les talents est moins coûteux que de trouver et de former de nouvelles recrues. C’est pourquoi, je suis convaincue que notre secteur a tout intérêt à investir du temps et de l'argent pour faire davantage de place aux femmes et ainsi diversifier stratégiquement ses consommateurs et consommatrices.

QUEENA WONG

Tout le monde sait que je suis une grande amatrice de champagne ! C’est d’ailleurs la plus grande section de ma cave, entre les producteurs qui émergent et les nouveaux styles lancés par les grandes maisons de champagne. Même si ma préférence va aux champagnes de vignerons, plus artisanaux, je peux comprendre la frustration des consommateurs qui essaient d'en acquérir, car ils sont produits en très petites quantités. Leurs profils peuvent également varier chaque année, contrairement aux champagnes non millésimés de maisons et marques de Champagne, qui permettent de maintenir une identité plus constante. J’apprécie par ailleurs les vins de Bourgogne et l'exploration de nouvelles régions, comme les îles Canaries, qui produisent des vins avec une fraîcheur et une salinité, typique de leur terroir.

QUEENA WONG

J'ai déjà trop de vin ! Mais je ne cesserai jamais de collectionner pour autant, car nous, les collectionneurs, aimons acquérir de nouvelles bouteilles, et cela signifie que nous en avons plus à partager. L'un des sujets dont nous ne parlons pas dans l'industrie du vin est l'accès aux bouteilles : il n'y en a qu'un nombre limité produit chaque année et elles peuvent être très coûteuses. Alors, j'essaie d'utiliser ma collection pour permettre à mes amis de goûter à de nombreuses cuvées différentes. J'utilise ma position privilégiée de collectionneuse pour partager des bouteilles avec des personnes qui, autrement, ne pourraient jamais y accéder, leur offrant ainsi la joie de découvrir de grands vins.