[ PORTRAIT ]
Bahreïn // Chef cuisinier et artiste
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Rencontre avec Yann Bernard Lejard
"Prêter attention aux détails et toucher les choses ont toujours représenté un moyen de contempler des horizons différents."
Mêlant art et gastronomie dans sa création d’œuvres à base d’aliments et de peinture, Yann Bernard Lejard collabore avec une constellation de restaurants étoilés à travers le monde.
Bien plus qu’un chef cuisinier, Yann Bernard Lejard aiguise perpétuellement sa vision d’un mouvement culinaire auprès d’artistes internationaux. Son art s’expose notamment à l’occasion d’animations et de masterclass, de New York à Shanghai.
Plus récemment, il a œuvré en tant que directeur culinaire au sein du Ritz-Carlton à Bahreïn, qui comporte, entre autres, La Table Krug by Y.
Quel est votre rapport à l’art et à la gastronomie ?
YANN BERNARD LEJARD
Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours eu un lien particulier avec l’art. Je passais du temps dans la maison de mes grands-parents, qui avaient une collection d’œuvres d’art. Nous jouions beaucoup dehors, mais lorsque nous étions à l’intérieur de la propriété, je passais toujours de longues heures à admirer et à regarder dans le détail toutes les peintures, m’imprégnant de toute cette culture. Prêter attention aux détails et toucher les choses ont toujours représenté un moyen de contempler des horizons différents. À chaque fois que je retournais à la maison de mes grands-parents, je savais que j’y passerais un bon moment, surtout en contemplant les peintures, les sculptures, les belles chaises, les salons, les miroirs et les chandeliers. J’ai gardé cette idée en tête lorsque j’ai débuté ma carrière dans l’univers culinaire. Lorsque j’avais 14 ans, j’ai intégré une école hôtelière par dépit, parce que je n’étais pas très bon à l’école. C'était difficile parce que ce n’est pas ce que je souhaitais faire, j’étais extrêmement frustré, même lorsque j’entrais dans des endroits sublimes comme des hôtels 5 étoiles, des palaces et des restaurants étoilés Michelin. Je n’arrivais pas à m’exprimer, à tel point que je voulais tout abandonner. Fort heureusement, j’ai trouvé le moyen de progresser à travers l’art.
Je n’arrivais pas à m’exprimer, à tel point que je voulais tout abandonner. Fort heureusement, j’ai trouvé le moyen de progresser à travers l’art.
Comment avez-vous intégré précisément l’art dans votre cuisine ?
YANN BERNARD LEJARD
J’ai fait une démarche particulière lorsque je suis arrivé au Moyen Orient. J’ai commencé à envisager de supprimer toutes les connaissances que j’avais engrangées au cours des années précédentes. J’avais besoin de créer ma propre conception, ma propre vision de la gastronomie. J’ai démarré avec l’idée d’une page blanche, ou d’une assiette blanche. J’ai commencé à me former et à trouver des manières différentes de placer les ingrédients, de réaliser de nouvelles associations et d’utiliser de nouvelles techniques de cuisine. J’y ai découvert un but parce que dans tout ce que je fais ou que je commence, je suis perpétuellement en quête de beauté, c’est ma motivation. Au fil des ans, j’ai commencé avec une assiette, puis j’ai rapidement élargi le spectre. J’ai avancé en créant des œuvres d’art à base d’aliments et de peinture. D’une certaine façon, l’art et l’alimentation m’ont donné un objectif. Certes, j’étais principalement chef cuisinier, et tous les jours je travaillais avec des aliments. Mais, pour hisser mon travail et moi-même à un niveau supérieur, je m’associe à l’art. Lorsque j’ai initié cette démarche et que j’ai commencé à travailler sur mes propres projets, mon cerveau a commencé à fonctionner d’une manière différente. En abordant les choses de cette façon, tout m’est venu naturellement, ce qui m’a aidé à poursuivre ma carrière. C’est à ce moment-là que je me suis rendu compte que cet art si particulier m’habitait et que j’en avais une explication claire. Néanmoins, en tant qu’artiste, je ressens toujours un besoin pressant de créer. Et ma difficulté en ce moment, c’est que j’ai besoin de créer de plus en plus. Je veux toujours en faire plus, pour le plaisir de créer, pour le simple fait de créer. La création m’aide à libérer mes émotions et à équilibrer mes luttes internes. Certes, l’œuvre des chefs cuisiniers peut devenir célèbre, mais au final, je fais un travail différent.
J’avais besoin de créer ma propre conception, ma propre vision de la gastronomie.
Est-ce que le vin tient une place dans votre mouvement culinaire ?
YANN BERNARD LEJARD
La première chose qui m’intéressait, c’était la partie artistique. Ce travail est complexe et comporte de nombreuses étapes. Ceci étant dit, le vin a toujours joué un rôle dans mon parcours professionnel. Lorsque je dois proposer une expérience, permettre aux convives de savourer et d’apprécier un dîner, j’associe inévitablement les mets aux vins. Je ne suis pas sommelier, mais j’ai de bonnes connaissances en vins. J’essaie de trouver un vin qui pourrait surprendre ou bien un vin accordé sur-mesure avec les mets que je crée. Lancer Krug by Y a figuré parmi mes meilleurs accomplissements – non seulement ce champagne est renommé, mais dès lors qu’il est associé à mes plats et à mon style, l’expérience fait appel à tous les sens des convives.
Je suis perpétuellement en quête de beauté.
Quelle a été votre première interaction avec le vin ?
YANN BERNARD LEJARD
Je suis né à Paris mais j’ai passé une partie de mon enfance dans le Sud de la France. Quand j’étais enfant, mon père et mon grand-père avaient l’habitude de déjeuner ensemble le dimanche. L’un des deux m’amenait dans la cave pour l’aider à choisir le vin. Durant ces déjeuners, ils m’expliquaient les spécificités du vin, les arômes, le cépage et son origine. Fort de cette tradition, j’ai commencé à collectionner les étiquettes de vin. J’ai continué à m’y intéresser aux côtés du célèbre chef cuisinier Heinz Winkler, avec qui j’ai collaboré en Allemagne. Avant le service, nous faisions une dégustation de vin et nos sauces s’inspiraient du vin servi avec chaque plat. Donc, nous avions l’habitude de prendre un verre de vin dans la cuisine. C’est ainsi que j’ai acquis de solides connaissances en matière de vins, fondées sur la dégustation et la mémoire, auxquelles je fais toujours appel aujourd’hui. Dès lors que je dois cuisiner en fonction du vin sélectionné, j’organise les saveurs dans mon esprit et j’intensifie ou j’atténue le goût de la sauce du plat en accord avec le vin, en m’inspirant de toutes mes expériences.
La création m’aide à libérer mes émotions et à équilibrer mes luttes internes.
Si vous étiez un vin, ce serait lequel ?
YANN BERNARD LEJARD
Je serais sans aucun doute un vin du Sud de la France, probablement issu des Côtes du Rhône. Ma famille est originaire de la Bretagne mais elle s’est ensuite installée dans le Sud, à Avignon. Donc, si j’étais un vin, ce serait un Châteauneuf-du-Pape parce qu’il m’évoque de nombreux beaux souvenirs. Dans mon enfance, mon grand-père débouchait une bouteille de Châteauneuf-du-Pape pour accompagner le dîner. Donc, ce vin convoque beaucoup de souvenirs. C’est un vin corsé avec de la complexité et une grande harmonie. C’est aussi un vin qui se marie bien avec tous les plats.
Article - Courtney Brandt
Michelle WilCourtney Brandt est auteure et journaliste. Elle vit à Dubaï aux EAU et collabore, entre autres, avec Vogue Arabia, Destinations of the World, Forbes Middle East, Elite Daily, The Forward Feed, et Food & Wine.
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